Santé : menstruations, un tabou à briser
Les règles des sportives commencent seulement à être évoquées de manière plus conséquente dans les médias comme par le monde du sport lui-même. Pourtant, elles peuvent avoir, chez certaines sportives, des répercussions importantes sur la performance. La communication avec le staff médical et technique est indispensable pour limiter les conséquences des règles, qui peuvent parfois être douloureuses ou abondantes.
Pendant de trop longues années, la période des règles ne devait pas être une excuse pour les sportives en cas de contre-performance. À tort. Il convient de rappeler que chaque cas est singulier et qu’en matière de règles féminines, il n’y a pas de règle. Certaines femmes n’ont, pendant la période des règles, aucun problème. À l’inverse, les règles féminines peuvent, si elles sont abondantes et/ou douloureuses, « clouer la sportive au lit pendant une journée entière », image Vincent Detaille, médecin de l’équipe de France de foot féminine et président de la commission médicale du CPSF.
La menstruation peut engendrer d’importantes fatigues, une forme d’irritabilité… « Les règles abondantes peuvent entraîner une carence en fer, voire une diminution de l’hémoglobine », situe le docteur. Les modifications hormonales et morales liées à la période des règles vont ajouter une fragilité supplémentaire de la femme. Sportive de haut niveau ou non.
La parole se libère doucement
Former, informer, consulter. Ce triptyque est l’une des clés pour avancer sur cette question. « Il faut inciter les sportives de tout niveau à consulter », milite Guillemette Mignot, gynécologue médicale à l’hôpital de Lorient et membre de la cellule pluridisciplinaire initiée par Vincent Detaille ancien médecin coordinateur FFH, actuel médecibn référent CPSF. La parole se libère. Doucement. « C’est récent et il y a encore beaucoup à faire », pose-t-elle. Les enjeux autour des règles des sportives sont nombreux et de tout ordre. « La question des règles est obligatoire lors des suivis médicaux réglementaires », précise Claire Delpouve, médecin coordinateur du suivi médical réglementaire (SMR) à la FFH. « Il s’agit de savoir si les cycles sont réguliers, si les règles sont douloureuses, abondantes… » Cette obligation est plutôt bienvenue quand on sait que les règles très douloureuses peuvent être un des symptômes de l’endométriose. « Et, parfois les sportives n’abordent pas forcément ce thème naturellement. » Si les plus jeunes parlent plus facilement de leurs règles entre elles, elles sont plus réticentes à évoquer ce sujet avec le corps médical et encore plus devant leur staff technique. « Cette question est plus facilement abordée par les jeunes femmes de plus de 20 ans », constate Vincent Detaille. Guillemette Mignot : « Les plus jeunes ne mesurent peut-être pas l’ampleur des conséquences liées aux troubles gynécologiques. » On parle généralement de la triade de la sportive. Ce terme regroupe des problèmes de règles, nutritionnels et d’ostéoporose. « Chez certaines sportives de haut niveau, il peut y avoir une alimentation modifiée induisant une éviction des graisses pour répondre à des performances et/ou respecter des catégories de poids », ajoute la gynécologue médicale. « Cela est perçu comme un stress par l’hypophyse, une glande du cerveau qui commande les ovaires, provoquant des troubles de règles. » La conséquence peut être d’arrêter les règles. « C’est embêtant, parce que les ovaires secrètent les oestrogènes et la progestérone. Les oestrogènes sont essentielles parce qu’ils protègent le système vasculaire et les os », poursuit-elle. « Si elles n’ont plus cet effet protecteur, ces femmes sont davantage exposées à des fractures et à des accidents cardio-vasculaires. »
" Il faut inciter les sportives de tout niveau à consulter "
Le handicap peut complexifier la donne
Certaines pathologies atteignent directement le système hormonal, que ce soit l’hypophyse ou les organes périphériques. « On peut ainsi se retrouver face à une sportive qui subit des dérèglements hormonaux ou qui n’a pas ses règles.» D’autres spécificités liées au handicap peuvent exister. Le comportement des athlètes présentant une paralysie cérébrale peuvent être plus difficiles à appréhender spontanément. « Les règles peuvent accroître leur sensibilité ou les pousser à se renfermer sur elles-mêmes sans que l’on sache pourquoi », ajoute Vincent Detaille. « En fonction du handicap, il peut aussi être plus compliqué pour les sportives d’évoquer le sujet. » Il est donc primordial de communiquer. La médiatisation grandissante sur ce sujet offre davantage de points d’accroche pour les médecins à l’égard de leurs patientes. « Il faut bien expliquer, quand on ressent que le sujet est délicat pour l’athlète, les raisons des questionnements, leur démontrer que des systèmes faciles à appliquer peuvent l’aider à améliorer sa performance et la qualité des entraînements pendant son cycle », indique Vincent Detaille. L’anticipation évite de perturber les plannings d’entraînement et ainsi de créer des frustrations ou pire entre entraîneurs et entraînées. De fragiliser psychologiquement la sportive.
Anticiper pour avancer
Si aujourd’hui, il n’existe pas de formation ou module obligatoire dédiés à ce thème pour les techniciens, ces derniers doivent se mettre au fait lorsqu’ils encadrent des publics féminins. Actuellement, de plus en plus de clubs de haut niveau intègrent lors de la conception du calendrier de préparation physique un relevé du syndrome prémenstruel et menstruel afin d’adapter au mieux le niveau d’entraînement et la compétition par rapport à l’impact des menstruations. « En fonction de la période du cycle et des variations hormonales, il peut être conseillé d’insister sur une filière d’entraînement particulière », cite en exemple le médecin. De nombreuses applications, comme FitrWoman, existent. Les femmes entrent la durée de leurs règles, les douleurs et l’application, selon ces informations, apporte des conseils en matière d’entraînement, de nutrition… « Ces outils ne tiennent pas compte des variations hormonales qui existent entre les individus et/ou même d’un cycle à l’autre pour une même personne », prévient-il. « Il faut donc prendre un peu de recul par rapport à cela. » Il existe aussi des méthodes pour lutter contre ces symptômes. « Il y a l’hygiène de vie et notamment l’alimentation. Tout ce qui est inflammatoire peut favoriser des douleurs pelviennes », notifie à titre d’exemple, Guillemette Mignot. « Les compléments vitaminiques peuvent être efficaces (vitamine D, B6 et calcium), si elles sont sujettes aux syndromes pré-menstruels. » Toutefois, certains handicaps nécessitent des traitements au long cours incompatibles avec la prise de certains autres médicaments, indiqués en cas de règles problématiques.
// Rédaction : J. Soyer