Générations Jeux : transmettre et partager


David Smétanine, champion paralympique sur 50 mètres nage libre aux Jeux Paralympiques de Pékin en 2008.

Les Jeux Paralympiques de Tokyo, reportés à l’été 2021 (24 août au 5 septembre) seront l’occasion de réunir, une fois encore, des champions chevronnés, rompus aux podiums et des sportifs en quête de découverte paralympique. L’athlète Pierre Fairbank, huit médailles en cinq participations aux Jeux, le cycliste Alexandre Léauté, 20 ans, qui va vivre sa première aventure paralympique, en passant par les rugbymen, Jonathan Hivernat et Sébastien Verdin, de nombreux sportifs racontent en quoi les liens intergénérationnels sont réciproquement déterminants.
Dossier réalisé par J. Soyer

Le conseil ne remplace jamais l’expérience vécue. Mais un conseil peut transformer une aventure. « C’est l’un des messages que l’on transmet aux plus jeunes », assure le nageur David Smétanine, 46 ans, quatre Jeux et neuf médailles paralympiques au compteur. « Je me souviens avoir perdu pas mal d’énergie, avoir été un peu trop spectateur en raison du public et de l’ambiance à Athènes, en 2004 ». Une leçon dont il a tiré profit pour remporter deux titres à Pékin, quatre ans plus tard. Il la partage volontiers avec Florent Marais, Ugo Didier, la relève de la natation et d’autres sportifs, en passe de vivre leurs premiers Jeux à Tokyo, l’été prochain.
L’efficacité de la transmission repose sur l’envie des uns à partager et celle des autres à recevoir. « Je peux évoquer un point technique, un ressenti ou une spécificité liée à l’organisation des Jeux », pointe l’escrimeur Romain Noble, 40 ans et médaillé aux Jeux de Londres et de Rio en 2012 et 2016. « Mais tout ne se raconte pas parce que l’expérience est personnelle. Les jeunes doivent découvrir certaines choses par eux-mêmes ». De son côté, Frédéric Villeroux, capitaine de l’équipe de France de cécifoot, qualifiée à Tokyo, précise qu’il exprime et transmet « tout ce qui l’a fait progresser plus vite », sans jamais verser dans l’assistanat.
Pour bien vivre la magie des Jeux, enivrante et étourdissante, capable de transcender comme de tétaniser, posséder quelques clés s’avère essentiel. Capitaine de l’équipe de France de rugby fauteuil, Jonathan Hivernat, 29 ans, va disputer ses troisièmes Jeux Paralympiques. « Contrairement à Londres (8e) et à Rio (7e), la médaille est un objectif accessible », affirme le Toulousain. « Mais il faut se laisser un ou deux jours pour profiter de cette magie, avant d’entrer dans une bulle pour aller chercher un résultat. »


Romain Noble, médaillé d’or en épée par équipe aux Jeux Paralympiques de Rio en 2016.

"Être sportif de haut niveau se cultive du lever au coucher."

Favoriser les liens intergénérationnels
La Fédération Française Handisport mesure l’importance du partage dans la construction d’une médaille paralympique. Elle offre les moyens aux plus jeunes de se nourrir des performances de leurs aînés. Des sportifs des collectifs nationaux Jeunes, Relève, U22 et des groupes d’accès à la performance sont fréquemment invités lors des stages des seniors pour une acculturation et une mise en situation plus rapide. Skieurs, escrimeurs, nageurs, joueurs de rugby, pongistes, athlètes rompus aux Jeux, ils évoquent tout ce qui tourne autour de l’événement planétaire. « Il faut se méfier du tourbillon médiatique dans lequel les sportifs médaillés entrent après un podium. Attention aussi à ne pas succomber aux tentations des plats diversifiés du restaurant du village, à celles de vouloir tout voir et tout vivre », note David Smétanine. « J’insiste aussi sur le fait de ne pas gâcher ces minutes qui suivent la victoire. Elles n’appartiennent qu’à nous. À Pékin, quand j’ai gagné ma première médaille d’or, je suis resté quelques instants la tête sous l’eau pour profiter. » La préparation et l’investissement sont abordés. « Être sportif de haut niveau se cultive du lever au coucher », prévient-il. « L’hygiène de vie, l’alimentation, la musculation… Tout compte. Encore plus dans les sports de répétition. Ne rien laisser au hasard aide aussi à ne pas se faire surprendre par le doute le jour J. »
L’importance de prendre suffisamment de recul est aussi soulignée. Un aspect souvent plus simple à appliquer avec le temps, même si l’insouciance de la jeunesse et de la découverte a parfois du bon. « Les entraîneurs doivent faire preuve de bienveillance et de surveillance pour que les messages servent les sportifs », avertit Benoît Froment, en charge du pôle tennis de table au Centre Fédéral Handisport, hébergé au CREPS de Talence. « Ils entendent des choses très différentes. Il faut parfois les aider à faire le tri. »
La Fédération invite aussi des sportifs de haut niveau lors des stages Jeunes à Potentiel (JAP). Dorian Foulon, au pôle espoir de cyclisme handisport d’Urt depuis 2014, se rappelle en avoir profité. « Aujourd’hui, j’essaie aussi de partager mon expérience pour démontrer que l’on peut aussi réussir en étant jeune », lance le Breton de 22 ans, parrainé par la judokate paralympique Sandrine Martinet depuis 2016 et les Étoiles du Sport. « Elle m’a beaucoup aidé pour surmonter ma blessure cette année-là. On parle de tout et de rien. Ce serait top de gagner l’or aux Jeux tous les deux à Tokyo, même si c’est dans deux sports différents. »
Le cycliste entretient aussi une relation quasi fraternelle avec son équipier Alexandre Léauté, 20 ans, également au pôle et au club d’Urt 64 Vélo. « On s’entraide, on se soutient par un regard, un mot, un sourire », explique-t-il.
Alexandre Léauté se souvient de ces championnats du monde au Canada, sans Dorian Foulon. « J’ai ressenti un manque et la nécessité de l’appeler. » Tous deux observent leurs concurrents étrangers, avec lesquels ils discutent lors des podiums pour apprendre. Jonathan Hivernat, lui, s’est tourné vers le rugby et des documents de la médiathèque de la FFH. « Au début, je me suis beaucoup inspiré de photos, de vidéos de matches internationaux pour adopter les bonnes méthodes de propulsions, trouver le meilleur positionnement dans le fauteuil. » Il insiste sur l’indispensable nécessité « de bien expliquer les règles afin de ne pas partir avec un handicap supplémentaire. » Une dimension bien comprise par Sébastien Verdin. Ce basketteur en fauteuil, venu au rugby il y a trois ans, a beaucoup appris au contact de Corentin Le Guen et du staff tricolore. « L’esprit de famille et la solidarité sont dans l’ADN du rugby », se réjouit-t-il. Les confrontations pluridisciplinaires, encore trop rares au goût des sportifs, sont des moments privilégiés pour apprendre.

La médiatisation modifie les échanges
Avec la médiatisation des Jeux Paralympiques et du handisport, les questions changent. « Les plus jeunes ont des références et des exemples », explique Benoît Froment, également passé par l’équipe de France de tennis de table A et membre du staff à Rio. « Leurs interrogations tournent davantage sur la recherche de sponsors, le parcours et l’approche des Jeux, quand les plus anciens se renseignaient sur la technique, le jeu et les conditions, auprès de leurs aînés. » Même si les réseaux sociaux ont, ces derniers mois, constitué une alternative intéressante, les stages et les compétitions dites intermédiaires restent des moments propices aux échanges. Il est facile de montrer tout ce qui est différent aux Jeux, en termes de protocoles et d’organisation comme les transports dans le village, l’attente et l’éventuelle intimidation en chambre d’appel, lors des périodes d’échauffement… « C’est bien d’avoir une équipière avec soi », apprécie Emeline Pierre, 21 ans, qui peut compter sur sa partenaire, Anaëlle Roulet, 24 ans et déjà deux participations paralympiques (2012, 2016). « Je me renseigne sur l’amplitude horaire des journées », précise l’escrimeur Yohan Peter, très complice avec Romain Noble, également enseignant d’escrime. « L’objectif n’est pas d’avoir des réponses mais des informations à traiter pour adopter le comportement idéal en fonction de ma personnalité. » Ces temps de préparation et ces compétitions intermédiaires, comme des coupes du monde, des world séries, des opens internationaux, selon les disciplines, favorisent aussi le passage de témoin. « On observe la préparation et découvre de nouveaux exercices », reconnaît Frédéric Villeroux, 37 ans. Médaillé d’argent à Londres, et membre du staff de l’équipe de France espoir, il s’appuie sur son vécu pour transmettre au groupe dirigé par Rémi Barranger. « Les déficients visuels et les nonvoyants passent assez peu souvent par les clubs enfants », détaille Frédéric. « Or la coordination se développe souvent entre 6 et 10 ans. J’essaie donc d’en intégrer au plus vite et je le conseille aux jeunes parce que cela permet d’être meilleur techniquement. »


Dorian Foulon sur la piste de Milton au Canada lors du Mondial 2020


Emeline Pierre et Anaëlle Roulet, au championnat d’Europe 2018 à Dublin.

Fougue, nouvel élan et remise en cause
Les sportifs chevronnés, attentifs à la gestion et à l’efficience de l’effort, quand les plus jeunes veulent courir partout et en faire toujours plus, n’ont pas le monopole des bons tuyaux. L’apport est réciproque. Le skieur nordique, Thomas Dubois (21 ans et non médaillé à PyeongChang 2018), se souvient avoir partagé, avec son guide Bastien Sauvage, leur technique en descente. « Avec cette approche, mon guide n’avait pas à se retourner et à quitter la piste des yeux pour attraper mon bâton », résume-t-il. Anthony Chalençon, pour qui « transmettre est un devoir », a décidé de travailler avec deux guides, à la suite d’une rencontre avec un coéquipier plus jeune que lui. « Cela permet de reposer les guides pendant un stage et une compétition », développe le biathlète de 30 ans, médaillé d’or et de bronze à PyeongChang aux Jeux Paralympiques de 2018, « de leur permettre aussi d’être plus frais et de palier une éventuelle blessure. » Les jeunes favorisent aussi une nouvelle dynamique. Leur fraîcheur donne un nouvel élan aux collectifs expérimentés. « Nous pouvons les inciter à prolonger une séance », sourit Yohan Peter. L’athlète Nicolas Brignone, lui, aime provoquer son mentor Pierre Fairbank à la fin d’une séance « pour un ou deux runs supplémentaires ». Ce dernier affirme même avoir eu envie de poursuivre sa carrière grâce à son disciple, devenu aujourd’hui un copain autant qu’un adversaire. Nicolas Brignone, engagé sur les mêmes épreuves que son aîné, a même incité cette figure du handisport calédonien et de l’athlétisme handisport mondial à se remettre en cause. « Après Londres 2012, où il n’avait pas fait de médaille, je l’ai battu sur un 100 mètres alors que je pèse 15 Kg de moins que lui », se remémore le jeune homme. « Pierre a alors tout changé, il a su repartir de zéro et revenir encore plus fort. » Les piliers de l’équipe de France paralympique estiment que la relève leur permet de briser leur routine, de s’ouvrir à de nouvelles méthodes de travail et parfois de se rendre compte de quelques manques dans leur organisation. Si les piliers font gagner du temps aux plus jeunes, ces derniers apportent aux sportifs chevronnés le renouveau nécessaire et indispensable pour rester compétitifs au plus haut niveau. Ces échanges interactifs nourrissent les desseins paralympiques de chacun, même si à Tokyo tous vont découvrir un contexte inédit et particulier.

Initiative

Rendre la pareille

« Tout est parti en voyant jouer Michel Schaller, pongiste de l’équipe de France handisport, champion du monde par équipe en 1998 et vice-champion paralympique par équipe à Sydney. » Stéphane Molliens, 46 ans, sait combien ses aînés, ses équipiers qui avaient déjà un vrai vécu à son arrivée, lui ont apporté. « Des aléas d’un déplacement à ceux d’une compétition, de nombreux enseignements sportifs et extra-sportifs peuvent se transmettre d’une génération à une autre », poursuit-il. « Il faut toujours jeter un oeil dans le rétro. » Les temps changent et les exigences toujours plus élevées réduisent la disponibilité des sportifs confirmés pour assurer ce passage de témoin. Stéphane Molliens, quatre médailles paralympiques (de 2004 à 2016), dont un titre par équipe à Rio, entend rendre la pareille. Pas uniquement aux plus jeunes. « J’aimerais être le référent pour favoriser un accès à la haute performance pour certains jeunes et ceux qui gravitent autour de l’équipe de France depuis un moment sans parvenir à l’intégrer malgré un investissement quotidien. » Une vingtaine d’athlètes, ciblée, bénéficierait des retours et de l’accompagnement de Stéphane Molliens, pendant plusieurs années, sur les plans sportif et extra-sportif (relations avec les médias, les sponsors, les élus…). Le projet, apprécié par la FFH et l’Agence Nationale du Sport, devrait voir le jour après les Jeux de Tokyo, une fois sa carrière terminée.

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Repères


David Smétanine
46 ans – Nageur cat. S4 (Grenoble Alt’38).

  • Athènes 2004 : 3e sur 50 m NL.
  • Pékin 2008 : 1er sur 100 m et 50 m NL ; 2e sur 50 m dos et 200 m NL.
  • Londres 2012 : 2e sur 50 m et 200 m NL ; 3e sur 100 m NL.
  • Rio 2016 : 2e 50 m NL.


Émeline Pierre
21 ans – Nageuse cat. S10 (Académie Philippe Croizon, Pau)

  • 2015 : 1re sur 100 m papillon, 2e sur 100 m dos.
  • 2017 : 3e aux championnats du monde sur 100 m dos.
  • 2018 : 4e aux championnats d’Europe 2018 à Dublin sur 100 m dos.


Romain Noble
40 ans – Escrimeur cat. A (CAM Bordeaux)

  • Londres 2012 : 2e en individuel à l’épée.
  • Rio 2016 : 1er par équipe à l’épée.


Yohan Peter
32 ans – Escrimeur cat. B (Val d’Europe).

  • 2019 : 2e par équipe à l’épée aux championnats du monde.
  • 2018 : 2e par équipe à l’épée aux championnats d’Europe.


Jonathan Hivernat
29 ans – Rugbyman (Stade Toulousain)

  • Londres 2012 : 8e sur 8.
  • Rio 2016 : 7e.
  • 2017 : 3e aux championnats d’Europe à Coblence (All).
  • 2018 : 5e aux championnats du monde à Sydney (Aus).
  • 2019 : 3e aux championnats d’Europe à Vejle (Dan).


Sébastien Verdin
29 ans – Rugbyman (Nuits-Saint-Georges)

En équipe de France depuis 2018.

  • 2018 : 5e aux championnats du monde à Sydney (Aus).
  • 2019 : 3e aux championnats d’Europe à Vejle (Dan).


Dorian Foulon
22 ans – Cycliste sur route et sur piste cat. MC 5 (Urt Vélo 64).

  • 2020 : 1er en omnium et en poursuite aux championnats du monde.
  • 2017 : 3e aux championnats du monde sur route.


Alexandre Léauté
20 ans – Cycliste sur route et sur piste cat. MC (Urt Vélo 64)

  • 2019 : 1er aux championnats du monde sur route à Emmen (P-B).


Anthony Chalençon
Guidé par Simon Valverde. 30 ans – Skieur nordique cat. B1 (Morzine Avoriaz)

  • Vancouver 2010 : sélectionné.
  • PyeongChang 2018 : 1er en relais open (4x2,5 km) ; 3e en biathlon 15 km.


Pierre Fairbank
49 ans – Athlète cat. T53 (Handisport Nouméa Nouvelle-Calédonie).

  • Sydney 2000 : 1er sur 200 m, 2e sur 400 m , 3e sur 800 m.
  • Athènes 2004 : 2e sur 4x400 m, 3e sur 4x100 m.
  • Pékin 2008 : 3e sur 4x400 m.
  • Londres 2012 : sélectionné
  • Rio 2016 : 2e sur 800 m, 3e sur 400 m.


Nicolas Brignone
31 ans –Athlète cat. T53 (Handisport Nouméa Nouvelle-Calédonie)

  • Rio 2016 : sélectionné.


Stéphane Molliens
46 ans, cat. 2

  • Athènes 2004 : 4e par équipe.
  • Pékin 2008 : 2e en simple et par équipe.
  • Londres 2012 : 2e par équipe.
  • Rio 2016 : 1er par équipe

ENTRETIEN AVEC OLIVIER DENIAUD


“ ON FONCTIONNE UN PEU COMME UN VOLCAN.”


Entraîneur d’athlétisme dans le mouvement depuis 1994, Olivier Deniaud, 57 ans, a travaillé avec trois générations, dont deux qu’il a vu grandir de A à Z. Coordonnateur du pôle France d’athlétisme de Nouméa, il oeuvre en Nouvelle-Calédonie depuis 15 ans, où le partage d’expériences est inné.

Il existe un lien spécial entre les générations en Nouvelle-Calédonie ?
Ici, le partage et la transmission sont dans la culture locale, les liens se tissent naturellement entre les plus jeunes qui respectent toujours leurs aînés. Ces derniers sont totalement impliqués et investis dans la vie de l’athlétisme local. Thierry Cibone, triple champion paralympique de lancer ne cesse de détecter, sur l’île de Lifou, des jeunes, de les orienter et de les accompagner. Pierre Fairbank, lui, chapeaute l’école d’athlétisme, animée entre autres par Rose Welepa et Rose Wandegou. En Nouvelle-Calédonie, on fonctionne un peu comme un volcan. Quand il entre en éruption, il projette de la lave et il y a des retombées de cendre un peu partout sur le territoire. Lorsque nos athlètes calédoniens décrochent des médailles mondiales et paralympiques, ça rejaillit sur toute la Calédonie. Ils véhiculent un message et permettent aux jeunes en situation de handicap de s’identifier.

Parlez-nous de la relation qui lie Pierre Fairbank et Nicolas Brignone ?
Pierre Fairbank est la définition même du père aidant. C’est-à-dire qu’il conseille, partage des techniques, sa vision, met en garde, réconforte et encourage… Il a indiqué tout ce qu’il savait à Nicolas sur la construction du fauteuil le plus adapté (boyaux, pneus, positionnement dans le fauteuil, gants intégrés…). Il conseille et adapte au profil de chacun sans jamais tomber dans l’assistanat. Il montre la voie et l’exemple sur et hors de la piste. C’est précieux. Pierre a été un soutien et un guide important pour Nicolas à ses débuts en fauteuil. Il lui a communiqué sa joie de vivre et de l’espoir.

Les entraîneurs ont-ils un rôle à jouer pour favoriser ces liens entre les générations ?
Bien sûr. Et ça passe par un rappel du palmarès des anciens aux plus jeunes. Quand j’ai fait mon speech de présentation avant les derniers mondiaux, j’ai rappelé les palmarès des anciens et des membres du staff. Nos jeunes athlètes sont entourés de professionnels de la performance mais ils ne le savent pas toujours. Ils n’ont pas idée de toutes les médailles paralympiques glanées par Pierre Fairbank, Thierry Cibone… À l’époque il y avait moins de médiatisation. Je reviens aussi sur leur parcours faits d’échecs, de victoires, de sacrifices. Un parcours nourri par l’amour qu’ils ont pour leur discipline. Au contact de sportifs expérimentés, les jeunes apprennent que la clé de la réussite est bien souvent l’endurance à la motivation. Être sportif de haut niveau est presqu’une obsession. Reste à trouver la gâchette qui va la servir.

Quel genre de gâchette ?
Stéphane Bozzolo est devenu champion paralympique de saut en longueur en 1996 à Atlanta parce qu’il était obsédé par l’envie de battre le Polonais qui l’avait privé de l’or européen pour 1 centimètre deux ans plus tôt. Cela l’a tellement motivé qu’il a travaillé dur et est devenu le meilleur au monde. Pierre Fairbank, lui, est amoureux de son fauteuil et de la course. Il est tout le temps en train de le bricoler. Il est aussi en quête permanente du geste parfait et de la position idéale. Il transmet ça à Nicolas. En partageant cela aux plus jeunes, on accroît les chances qu’ils trouvent eux-mêmes l’élément qui va les pousser à se surpasser et à tout mettre en oeuvre pour gagner des titres. C’est tout l’intérêt de raconter les étapes marquantes, victoires comme échecs, d’une longue carrière aux plus jeunes.


Pierre Fairbank et Nicolas Brignone lors des Mondiaux 2019 à Dubaï.

// Propos recueillis par Julien Soyer