Les sports non paralympiques en jeu

Premier Championnat de France officiel de Showdown, le 1er mai 2022 à Troyes. © L.Belair

La Fédération Française Handisport s’investit dans les disciplines non paralympiques. En compétition ou en loisir. Ces sports permettent à la FFH d’être en adéquation avec sa mission de service public et sa volonté de proposer une activité sportive adaptée à toute personne présentant un handicap physique ou sensoriel. De la sarbacane au futsal handisport, en passant par le foot-fauteuil électrique et les sports sourds… Du fauteuil tout terrain (FTT), à l’escalade ou à la plongée, sans oublier la randonnée, ces disciplines sportives dynamisent le mouvement handisport. Dossier réalisé par J.Soyer

Les Jeux Paralympiques d’hiver de Pékin terminés, tous les regards sont désormais tournés vers Paris 2024. Pour autant, la Fédération Française Handisport (FFH) attache une grande importance aux disciplines non paralympiques. « Notre objectif est de proposer une offre de pratique pour le plus grand nombre de personnes en situation de handicap », pose Charles Hordenneau, directeur du pôle sport pour tous à la FFH. « L’idée est de proposer un large choix, comme c’est le cas pour un valide qui dans sa ville peut s’orienter vers un sport olympique ou non. »

30 % des licenciés pratiquent un sport non paralympique

Aujourd’hui, 30 % des 27 000 licenciés handisport trouvent leur bonheur dans des sports non paralympiques. « La majorité des adhérents n’opte pas pour un sport en fonction de son statut paralympique ou non, mais par goût », explique Charles Hordenneau. Le foot-fauteuil électrique ou le futsal handisport (pratiqué par les personnes en situation de handicap debout) en sont l’illustration. « Il existe une vraie communauté autour du foot-fauteuil, des fans du ballon rond qui ont progressivement structuré la pratique en France et à l’international », reprend-il. « De nombreux joueurs de futsal handisport pourraient s’orienter sur des sports paralympiques comme l’athlétisme, le tennis de table ou encore la natation mais ils veulent jouer au foot, un sport qu’ils voient tous les week-ends à la télé et auquel ils s’identifient. »

Les sports non paralympiques satisfont de nombreuses attentes et sont souvent mis en avant dans les programmes multisports. Ils offrent la possibilité de découvrir plusieurs disciplines au cours de l’année. Une vérité qui vaut encore plus pour les sports de nature. « Une personne attirée par les sports de nature en pratique souvent plusieurs », constate Emmanuel Buchoud, en charge de ce secteur à la FFH.

La compétition pour dynamiser et innover

Non paralympique ne rime pas forcément avec loisir. En effet, le foot-fauteuil électrique et les disciplines présentes aux Deaflympics (les Jeux pour les personnes sourdes), ont développé un circuit de compétitions nationales et internationales. Les sportifs y retrouvent le plaisir d’affronter des pays étrangers,de voyager en Europe et dans le monde mais aussi de se forger un palmarès. « Cela permet de lutter contre un essoufflement de la discipline », estime Franck Croullière-Blaszka, ancien directeur sportif du foot-fauteuil, aujourd’hui élu fédéral en charge de la pratique sportive pour les jeunes. « Il y a plus de dix ans, on a complètement changé les formats de compétitions pour coller à l’éclosion du sport en France et le rendre plus attractif. »

"Proposer une offre de pratique au plus grand nombre.”

Les personnes sourdes sont aussi très attirées par la compétition. « L’internationalisation est une valorisation dans leur culture », poursuit Sébastien Messager. « Avant, ces athlètes sortaient facilement à l’international. Depuis leur intégration à la FFH, en 2008,les choses ont changé. Ce public a compris qu’une sélection à l’international était une récompense. Que chacun devait hausser son niveau pour prétendre représenter la France. » Lors des Deaflympics au Brésil, du 1er au 15 mai 2022, la délégation française comprenait, en grande partie, des sportifs ayant une chance d’être finaliste, voire sur le podium. « C’est en devenant des sportifs de haut niveau et en réalisant de hautes performances qu’ils vont changer l’image qu’ils véhiculent », insiste Sébastien Messager. « Ils l’ont compris, l’acceptent et le défendent désormais. »

D’autres disciplines ne proposent qu’un circuit de compétition en France. « Cela permet des confrontations, de sortir de la notion d’entraînement », cadre Charles Hordenneau. C’est notamment le cas de la sarbacane qui, avec ses 4 000 licenciés, se classe dans le top 5 des disciplines handisport. « C’est un sport inclusif. Le plaisir naturel, la convivialité, mêlés à l’envie de gagner présente sur nos compétitions, sont de vrais atouts », se réjouit Marie-Noëlle Guitton, directrice sportive de la sarbacane.

La notion de sport-santé, très présente dans la pratique des sports non paralympiques est illustrée ainsi : « pour les myopathes, par exemple, un entraînement de sarbacane vaut une séance de kiné respiratoire », enchaîne la directrice sportive de la sarbacane. Facile à mettre en place, peu onéreux, ce sport correspond bien aux personnes en situation de grand handicap et aux seniors. Il existe un challenge national jeunes et une coupe nationale adultes. « À partir de l’année prochaine, nous mettrons en place des qualifications pour ce qui deviendra le championnat de France », dévoile Marie-Noëlle Guitton. « Chaque département organisera sa compétition. S’il y a trois clubs au moins, elle sera qualificative. On retiendra les 48 meilleurs. »

Le futsal handisport se développe aussi, mais « la mise en place d’étapes régionales et de qualification dépend des effectifs », note Charles Hordenneau. Les sports non paralympiques peuvent aussi bénéficier de quelques aménagements. « On doit innover pour les adapter à notre réalité et les rendre plus attrayants. Nous tentons de mettre en place des biathlons différents, avec du tir à la sarbacane enchaîné à un parcours », cite en exemple Franck Croullière-Blaszka.

Coupe de France de Futsal Handisport, à Orléans, le 24 juin 2022

Les sports de nature inclusifs et ouverts à tous

Les sports de nature, eux, ont connu une véritable explosion. « Le contexte sanitaire a poussé les gens à aller vers les sports de nature », avance Emmanuel Buchoud. Ce dernier souligne que de nombreux licenciés engagés dans une pratique paralympique, concilient celle-ci avec une activité “nature”.

« Comme il n’y a pas de logique de classification, notamment en loisir, il n’y a pas d’exclusion. On revient à l’essence des sports de nature qui est d’être dans un milieu naturel et de s’y adapter par des aménagements matériels et un accompagnement humain, afin que chacun en profite en toute sécurité. » Le bien-être et la santé sont autant des moteurs que des objectifs.

Les sports de nature, « inclusifs au possible, m’ont permis de dépasser mes limites », explique Christelle So, 31 ans, devenue salariée du Comité Handisport des Alpes-de-Haute- Provence. Elle a pu se créer un groupe d’amis plus rapidement via la pratique d’activités sportives, dans ce département où elle s’est installée il y a quatre ans. Ces activités favorisent aussi la pairémulation.

« En voyant d’autres personnes en situation de handicap pratiquer, je me suis lancée », traduit Christelle, qui a testé la plongée en piscine durant l’été 2020.

Les sports non paralympiques constituent un pan important de l’activité fédérale handisport tant par la diversité qu’ils offrent que la variété des publics qu’ils touchent.

Avis d’expert

“High-five”, pour une pratique pérenne des sports de nature

Le programme High-Five est multisports, piloté par la Fédération et décliné au niveau territorial. Il aide les comités à développer et à structurer leur offre des sports de nature. « On veut aller au-delà de la découverte », explique Emmanuel Buchoud, en charge du secteur pour la FFH. « À l’issue d’une journée découverte, les licenciés intéressés peuvent s’engager dans un cycle de pratique (4 séances minimum) afin de se perfectionner dans l’activité et de favoriser leur autonomie dans le milieu naturel choisi. » La finalité de ce cycle peut être un événement à visée de performance individuelle, contre soi-même ou des défis collectifs.

« Par exemple, si des sportifs veulent faire le canal de Nantes à Brest en handbike, il leur est proposé un programme sur plusieurs cycles, du niveau 1 à 3, pour bien passer les vitesses, choisir son braquet, bien s’hydrater… Si un pratiquant souhaite faire une sortie en voile sur 2 jours, on parlera alors d’évasion, et on va lui apprendre à gérer la météo, s’orienter en mer… »

Le programme High-Five peut être transversal avec le programme Pep’s qui vise à aider les comités à structurer leur offre pour les personnes en situation de grand handicap. « On peut organiser des cycles d’orientation qui partent de l’intérieur d’un établissement spécialisé pour aller vers l’extérieur et jusque dans le milieu naturel avec la capacité de s’orienter et d’être autonome », imagine Emmanuel Buchoud. « Si je suis dans une joëlette, je définis le parcours, le temps de randonnée… On favorise l’autonomie du pratiquant via le faire-faire. » Cela dépasse la “simple” balade dans la nature.

www.handisport.org/sports-de-nature
@highfive.handisport

Entretien avec Romain Didio

Plus encore pour les sports non paralympiques, la pratique se joue en grande partie dans les territoires, grâce aux clubs et aux comités. Rencontre avec Romain Didio, coordonnateur de la Ligue Handisport Auvergne Rhône-Alpes.

Romain, le développement des activités non paralympiques est-il important ?

Le choix des pratiquants se fait très souvent par rapport à leurs envies et à leur goût pour la discipline. Les activités non paralympiques représentent deux tiers dans la région. Sur environ 180 clubs, 104 proposent au moins une activité non-paralympique. Il y a aussi une logique de pratique multisports (1 650 adhérents possèdent une licence multisports) et/ou saisonnière, via les programmes qui permettent de proposer plusieurs activités différentes dans l’année. Le ski et le snowboard en loisir par exemple sont prisés l’hiver, quand l’été, les activités nautiques, les randonnées, le fauteuil tout terrain ont davantage la cote. L’idée est aussi de pratiquer en famille.

Est-il plus difficile de les développer localement ?

Pas spécialement. Si les Jeux sont une vitrine intéressante et médiatique, les concepts « sport santé » et « sport pour tous » ouvrent aussi des portes. Avec les sports de nature, on touche aussi à la mobilité et à la notion d’aventure, à l’écologie et à l’environnement. Ce sont des thèmes porteurs.

Pourquoi avoir mis en place votre circuit régional de foot-fauteuil ?

Au départ, seuls les établissements spécialisés pratiquaient le foot-fauteuil, seul sport collectif pour les personnes en fauteuil électrique. Puis des équipes de club se sont constituées pour intégrer le championnat. Mais il est de plus en plus difficile pour des équipes loisir ou des établissements spécialisés de s’engager en championnat national et de partir sur des week-ends de compétition. On a donc mis en place, depuis quinze ans, un championnat régional, le mercredi, ouvert aux établissements spécialisés et aux équipes de clubs qui ne sont pas engagés en championnat national. Il y a trois niveaux, R1, R2, R3 (comme en valide) avec des montées et des descentes. La finalité reste que des joueurs à titre individuel, ou des équipes, si elles arrivent à se structurer, s’engagent en championnat national.

Un mot aussi sur la filière futsal handisport ?

On a des difficultés à former des équipes complètes de clubs, parce que ça veut dire qu’il faut avoir sept ou huit joueurs avec des handicaps debout sur un même endroit. On a donc mis en place un partenariat avec la Ligue de foot pour identifier des joueurs dans des clubs ordinaires qui ont un handicap. Ils continuent à jouer avec la FFF mais on leur signale aussi qu’un championnat handisport adulte et jeune existe à travers quelques regroupements dans l’année. Les adultes peuvent directement former une équipe. Pour les jeunes, on a mis en place des journées de détection, afin de constituer une équipe régionale qui dispute la coupe de France.

Ça se développe bien ?

Oui. Dans beaucoup de clubs de villages, il y a un joueur avec un handicap, pas forcément déclaré. On doit prévenir ces joueurs qu’ils peuvent s’engager en foot handisport. Souvent, il est difficile pour les enfants en situation de handicap de jouer dans les équipes valides après 8-10 ans, en raison d’un décalage de motricité par rapport aux enfants valides. Ils s’entraînent sans jouer les matches. Le championnat handisport leur permet de faire de la compétition. En foot sourds, quasiment tous les joueurs de la région sont aussi engagés en valide. // Propos recueillis par Julien Soyer