Le Pôle Performance handisport sous toutes ses coutures

La nomination de Paris comme ville hôte des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (JOP 2024), le 13 septembre 2017, contraint la France à repenser son modèle de performance. Doubler le nombre de médailles et progresser au classement des nations (dépendant du nombre de médailles d’or) nécessite une politique sportive réfléchie sur le moyen terme pour aider l’élite à progresser encore et amener davantage de sportifs au plus haut niveau tout en renouvelant les collectifs seniors. C’est tout le sens de la restructuration du Pôle de Performance de la Fédération Française Handisport. Dossier réalisé par J. Soyer

"1 € pour 15 € entre la préparation d’un sportif paralympique et olympique.”

Un environnement en mutation

« L’obtention des JOP 2024 par Paris a été l’un des trois facteurs clés de l’année 2017, explique Pierrick Giraudeau, directeur de la Performance à la Fédération Française Handisport. « Les équipes de France en sports collectifs sont qualifiées d’office et une obligation de résultats pèse sur les fédérations. » La Fédération Française Handisport n’échappe pas à ces impératifs. « Il nous est apparu essentiel, avec Christian Février, le nouveau DTN, de restructurer le Pôle de Performance pour accompagner un projet ambitieux. »
Une refonte menée dans un environnement en pleine mutation politique et sportive.
La FFH a changé de président, de comité directeur, de DTN et adopté un nouveau projet politique. « Cap 24 initié par Frédéric Delpy et une nouvelle équipe, a été repris, en 2018, par la nouvelle présidente, Guislaine Westelynck », poursuit Pierrick Giraudeau.
Le transfert de la délégation paralympique à certaines fédérations homologues valides change aussi la donne. « Entre la voile qui sort du programme des Jeux et le transfert du judo et du tennis, ce sont trois médailles d’or estampillées FFH à Rio qui disparaissent », pose le directeur de la performance. Même si, avec douze sports (sur 23 représentés au Japon), elle reste en responsabilité sur 453 des 539 épreuves des Jeux de Tokyo, le bilan de la France paralympique ne repose plus uniquement sur Handisport.

Gagner plus de titres et de médailles

Au Brésil, la FFH a répondu aux attentes institutionnelles en revenant dans le Top 10 du classement des nations (pour les épreuves relevant de la responsabilité Handisport), passant de huit titres à Londres 2012 à neuf en 2016. « Mais à Rio, en revanche, nous avions un moins bon total de médailles qu’à Londres (28 contre 45), souligne Pierrick Giraudeau. Cela ne peut donc pas nous satisfaire. » L’objectif pour les sports d’été est de progresser au classement des nations et d’augmenter le total de médailles. Une dynamique similaire à celle des sports d’hiver puisque les Bleus de Marie Bochet sont passés d’une médaille d’or à Vancouver (en 2010), à cinq en 2014 à Sotchi. L’excellent bilan de l’équipe de Christian Fémy, DS du ski, avec 20 médailles dont 7 en or à Pyeongchang, l’hiver dernier, démontre combien associer les sports d’hiver à ce Plan de Performance Fédéral (PPF) est indispensable. Validé par arrêté ministériel le 13 décembre 2017, ce PPF s’organise autour du Parcours d’Accession Sportive (PAS), visant à préparer le renouvellement des élites et le Parcours d’Excellence Sportive (PES), dont l’objectif est de définir tout ce qui tourne autour de la gestion des Équipes de France. Rédigé par la DTN en étroite concertation avec le viceprésident chargé du haut-niveau, Tanguy de la Forest, il a fait l’objet d’une consultation large auprès d’une centaine d’acteurs du mouvement. Il repose notamment sur une sectorisation des missions.

Une équipe étoffée…

Souhaitons d’abord que la mise en lumière, via le rapport Onesta, d’une différence criante, sur le plan financier, d’accompagnement ministériel entre la préparation d’un sportif paralympique et olympique (1 € pour 15€), puisse permettre à la FFH de bénéficier de moyens supplémentaires et indispensables pour mieux accompagner les sportifs. Pierrick Giraudeau, Sami El Gueddari, référent FFH pour les jeunes à potentiel et Valentine
Duquesne, chargée du suivi socio-professionnel, ont vu débarquer une petite armée pour les épauler. « Nous avons créé une Direction de la Performance et nous l’avons structurée autour des réponses à apporter dans chacun des parcours du PPF, développe Pierrick Giraudeau. Sept personnes (avec les trois citées ci-dessus) composent désormais la cellule Performance. » Norbert Krantz a été nommé directeur des Équipes de France des sports d’été. Christian Fémy, lui, est directeur des sports d’hiver. Épaulé par un adjoint, il aura donc un rôle plus global. « Comme il y a moins de sports, je vais continuer de suivre le développement, les circuits de compétition et les équipes de France », explique ce dernier, en charge des skieurs alpins, nordiques et des snowboardeurs.

Et des missions claires

Sami El Gueddari, pilote le réseau « PAS » des comités. Il trouve un appui non-négligeable auprès de Jérôme Humbert, nouveau coordonnateur des référents des collectifs relève au sein des commissions des douze sports paralympiques d’été. Ce dispositif va permettre de mieux définir les stratégies de participation aux compétitions et de mieux accompagner un jeune sportif qui habite sur un territoire isolé de tout club pour le faire grimper d’un palier sur son niveau de performance. « L’accent sera mis sur le PAS dès octobrenovembre 2018 », prévient Norbert Krantz. Sami El Gueddari, lui, favorisera, avec les référents territoriaux, les orientations ou réorientations des jeunes au gré des stages « performance » uni disciplinaires, véritables prolongement locaux des stages « JAP régionaux ». Ce collectif « performance » bénéficiera « du regard éclairé et avisé de Claude Colombo, se réjouit Pierrick Giraudeau : « Cet ancien formateur et préparateur physique de l’Insep pourra nous faire part de ses remarques, corriger ou adapter une méthode ou un processus » Aussi, la cellule performance a été déresponsabilisée des questions liées aux sports « sourds » et aux sports nonparalympiques, désormais placés sous la bannière de la Direction développement, menée par Sébastien Messager.

Apporter des réponses précises et rapides

Le PPF doit permettre aux sportifs de haut niveau de franchir un cap qualitatif dans leur préparation et d’assurer le renouvellement des élites en les prenant en charge le plus vite et le mieux possible. Au terme de ses rencontres avec les collectifs et les sportifs, notamment les potentiels médaillables paralympiques, Norbert Krantz a demandé aux intéressés de recenser et de hiérarchiser les besoins afin d’apporter des réponses efficaces, en direct ou par ses relais dans les commissions. « Multiplier les stages, notamment pour les sports-co est très souvent revenu », souligne-t-il. Il s’appuie aussi sur l’unité d’aide à la performance, lancée en janvier 2018. Celleci regroupe des experts pour aider à la préparation mentale, au suivi nutritionnel, à la prévention des blessures. Elle traite de tous les ingrédients qui constituent la performance. « Les mots d’ordre sont écoute, réactivité et opérationnalité. Nous devons apporter une réponse dans la semaine » Un volet important est également consacré à la formation des entraîneurs nationaux. « L’idée est qu’après Tokyo, tous aient suivi au moins une formation continue et permanente, explique Norbert Krantz qui prévoit aussi un colloque annuel regroupant tous les entraîneurs nationaux (le 1er a eu lieu du 5 au 7 octobre à l’Insep et était consacré à la planification et la programmation de l’entraînement). Nous devrons aussi travailler sur leur fidélisation en leur permettant de vivre de cette fonction. »

Favoriser la prise d’expérience des jeunes

Pour grossir les chances de médailles à Tokyo et de titres à Paris, il faut permettre aux sportifs d’emmagasiner de l’expérience. « Tout en restant cohérents, nous avons assoupli légèrement les critères de sélections aux championnats d’Europe et du Monde 2018, cite en exemple le directeur des équipes de France été. Les modalités de sélection pour les Jeux de Tokyo seront officielles pour chaque sport en octobre-novembre 2018. Et nous allons renforcer notre politique de protection des sportifs capables d’aller chercher l’or. » Un Français classé parmi les trois premiers mondiaux ou médaillé sur un championnat du monde un an avant les Jeux, sera, sauf contretemps médical ou manquement aux règles de suivi, sélectionné pour les Jeux. « Cela lui évitera de devoir participer à des épreuves pouvant perturber sa préparation terminale. » Le comité de sélection tiendra aussi compte des chances de médailles par équipe ou en relais et pourrait sélectionner un sportif capable de contribuer à un titre collectif dans un sport individuel (tennis de table, athlétisme, escrime, natation…).

© G. Picout

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Avis d’expert
OLIVIER PAULY, EXPERT DU CONSULTING
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Olivier Pauly, expert du consulting

Les commissions des sports paralympiques vont, sur l’initiative de la Direction Technique Nationale, s’appuyer sur des consultants experts, légitimes auprès de tous. « Des agitateurs d’idée », selon Norbert Krantz. Olivier Pauly, 53 ans, officie auprès de l’équipe de France d’athlétisme. « Je ne suis pas chef des entraîneurs, je vais apporter mon regard, mon expérience, mon expertise et mon réseau pour les aider », développe ce professeur de formation, aujourd’hui véritable couteau suisse. Le consultant-expert va prendre de la distance pour observer et échanger, essentiellement avec le staff et parfois avec les sportifs (après validation des entraîneurs). D’une idée pour adapter un entraînement, à une réponse pour trouver le meilleur gonflage des pneus des roues de fauteuils, Olivier Pauly, comme tous les consultants-experts, va tenter de répondre vite et bien aux interrogations des staffs et des athlètes. L’objectif est aussi de dresser des constats francs afin de servir la performance.

Entretien avec Pierrick Giraudeau

« Paris 2024 : préparer les jeunes et l’encadrement dès maintenant ». Pierrick Giraudeau, directeur de la Performance au titre de la FFH, met en avant les évolutions à venir dans l’optique des Jeux Paralympiques 2024 à Paris.
ENTRETIEN AVEC PIERRICK GIRAUDEAU
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Comment bien préparer les Jeux de Paris 2024 tout en étant compétitif à Tokyo, en 2020 ?
C’est un ensemble complexe de dispositifs et de leviers à mobiliser pour mettre les sportifs dans les conditions optimales d’expression de leurs qualités sur ces deux échéances. Le Parcours d’Accession Sportive (PAS) et le Parcours d’Excellence Sportive (PES) qui composent le PPF visent respectivement à identifier et préparer la relève dans l’optique des Jeux 2024 tout en maintenant des objectifs ambitieux à Tokyo.

Cela commence dès maintenant ?
Le travail a déjà été amorcé sur la paralympiade précédente mais le PPF, à travers Sami El Gueddari et Jérôme Humbert, notamment, permet d’aller plus loin. On doit détecter davantage de futurs champions et de mieux les accompagner dans leur préparation. Grâce au soutien de Performance 2024, nous espérons raisonnablement disposer, dès cette saison, de moyens financiers supplémentaires pour donner une autre dimension à ces projets.

Que permettrait l’octroi de moyens complémentaires ?
Réunir au moins deux fois par an l’ensemble des collectifs relève et proposer une compétition internationale cible est, par exemple, un objectif visé sur le PAS. Pour les collectifs Seniors, participer financièrement davantage aux étapes de qualification paralympique des sportifs est une autre piste envisagée à court terme.

Cela doit aussi permettre de professionnaliser l’encadrement…
Oui. Les staffs doivent bénéficier de bien davantage de temps pour suivre au plus près la préparation des sportifs et être disponible par rapport à leurs besoins croissants d’accompagnement. Un plan de formation de l’ensemble des cadres intervenant sur nos collectifs relève et nos collectifs France est d’ores et déjà défini pour répondre à la nécessité de maîtriser des savoirs faire spécifiques à notre champ.

La FFH semble aussi avoir mis l’accent sur l’importance de la classification ?
La classification est à mon sens le premier déterminant de la performance dans le champ paralympique. Un même athlète peut passer du statut d’athlète de bon niveau international à celui de « titrable » paralympique avec des mêmes performances selon la catégorie dans laquelle il est classifié. La France doit disposer d’un réseau de classificateurs français sur le plan international pour saisir toutes les subtilités de la classification dans chacun des sports afin de présenter nos sportifs dans les meilleures dispositions. Il faut aussi permettre aux sportifs d’être rapidement fixés sur leur potentielle classification à l’international afin de situer plus précisément leurs chances de performer au plus haut-niveau. Un premier niveau d’analyse et d’information sur la classification dans les territoires favoriserait la réorientation d’un sportif, le transfert des talents. Ces sujets animent nos réflexions au sein de la cellule performance. Exploitons de nouvelles voies, déjà empruntées par d’autres nations. // Propos recueillis par J. Soyer

© G. Picout
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