Les 52 sensations sport

LES 52 SENSATIONS SPORT

La Fédération Française Handisport a longtemps véhiculé une image et une réputation autour de l’accompagnement vers le sport de compétition et le haut-niveau, et ce malgré un développement tourné depuis toujours vers le grand public. Cette image n’est plus d’actualité aujourd’hui. Pour répondre pleinement à sa mission de service public, les dirigeants du mouvement handisport ont décidé de valoriser davantage les nouvelles formes de pratique en direction des personnes en situation de handicap intéressées par une pratique loisir, de bien-être et/ou de sport-santé. Cette orientation, visant à permettre l’accès au sport au plus grand nombre, correspond aussi à l’évolution des envies de pratique et de la société.
Dossier réalisé par J. Soyer

S’ouvrir à de nouveaux sports pour séduire plus largement

« Il ne faut pas dire non par principe. » Patricia Vignau, élue en charge du sport-santé pour la FFH et dirigeante de l’AS Los Sautaprats, près de Pau, cultive cette approche. Educatrice spécialisée de profession, cette responsable technique adapte les cours de gymnastique et de grand trampoline proposés par son club aux valides et au public en situation de handicap. « Tout est parti de cette rencontre, en 2001, avec Laurine, alors âgée de 7 mois et destinée à rester dans un fauteuil », raconte Patricia Vignau. Finalement, Laurine a marché à 3 ans.
Aujourd’hui, le club de Los Sautaprats compte 200 adhérents, dont deux-tiers de personnes en situation de handicap. « Je ne faisais pas de sport avant de croiser la route de Patricia, explique Isabelle, adhérente de l’association, touchée par une maladie handicapante en 2013. Là-bas, j’ai trouvé de la convivialité et de l’entraide. Et surtout, une activité adaptée à mes attentes et à mes aptitudes. J’ai gagné en autonomie aussi. ».

Cap sur le loisir

C’est l’un des enjeux de Cap 24, le projet fédéral porté par les élus et la Direction Technique Nationale de la Fédération Française Handisport et ses élus. « Nous devons proposer l’accès au sport au plus grand nombre, résume Christian Février, le DTN. Cela entre dans notre mission de service public, reconnue d’utilité publique. » La FFH continue d’évoluer. Référencée pour son accompagnement sportif et de haut niveau, elle insiste, aujourd’hui, sur sa capacité à accueillir des personnes en situation de handicap dans un cadre axé sur le loisir et le bien-être. Cette volonté modifie le profil de ces adhérents. « Dans un premier temps, il y avait des personnes ayant des handicaps très limitants pour la compétition, poursuit Patricia Vignau. Aujourd’hui, on retrouve d’anciens sportifs, des personnes vieillissantes ayant des handicaps plus légers, en quête d’une activité pour entretenir leur forme, leur santé et prendre du plaisir. » Depuis juin 2018, la FFH est identifiée auprès du Ministère en tant que fédération ayant une démarche sport-santé. « La FFH est entrée dans le Médico-sport du CNOSF. On va mettre en place le label qualité sport-santé, avance Patricia Vignau. Ensuite, il y aura des formations auprès des éducateurs avec des niveaux différents. » Un premier qui permettra de proposer des pratiques adaptées. Un 2e permettant d’accueillir des personnes en situation de handicap et victimes de maladie longue durée. Et un 3e niveau qui pourra aller vers du sport sur ordonnance (pratique régulière et mesurée).
La Fédération accompagne la personne dans son projet de vie autant que dans son projet sportif. Elle s’ouvre donc à ces sports non-éligibles à la compétition en handisport. « Notre souhait c’est, qu’avec une expertise reconnue de prise en compte des spécificités de chaque handicap, nous continuions à développer notre offre de pratique loisir, tout en en élargissant le potentiel d’activités proposées. » prévient Emmanuel Buchoud, CTN du pôle territoire et référent des sports nature à la FFH.
Patricia Vignau prolonge : « Certains handicaps sont très difficilement compatibles avec l’un des 25 sports organisés en commission et en compétition par la FFH. D’autres ne sont intéressés par aucun de ces sports ou uniquement sous forme de loisir. Soit ils se tournent vers des clubs valides proposant, à proximité de leur lieu de vie, une activité en phase avec leur souhait. Soit ils renoncent à toute pratique. »

Nous devons proposer l’accès au sport au plus grand nombre.”

Parmi les 52 sports proposés par les structures handisport au niveau territorial, le parapente, une discipline adaptée.© G. Picout

Parmi les 52 sports proposés par les structures handisport au niveau territorial, le parapente, une discipline adaptée.

À ceux des valides

Les normes et les cadres parfois contraignants de la compétition freinent toute une frange de la population en situation de handicap. « Leurs besoins, en matière de sport et d’impact sur leur santé, sont les mêmes que ceux de tout autre individu, appuie Christian Février. Elles recherchent une pratique un peu nouvelle, à exercer en famille, proche de chez elles, sortie des canons réglementaires habituels. » L’exemple de quelques structures du secteur marchand, qui ont pris en considération les volontés des sportifs en situation de handicap, incite la FFH (et les autres fédérations) à prendre en compte ce public. Sports émergents, pratique loisir, sport-santé… La FFH entend ces nouvelles demandes. Elle doit s’ouvrir à certains sports nature (VTT, orientation), aux disciplines à caractère artistique (activités gymniques, trampoline, danse, arts martiaux) ou aux sports nautiques (voile, aquabike, aquagym…). « Toutes ces disciplines apportent une maîtrise du corps et/ou des déplacements dans l’espace, développe Patricia Vignau. Elles ouvrent donc de nouvelles perspectives, accroissent ou renforcent l’autonomie des licenciés qui avancent à leur rythme et viennent selon la fréquence choisie ou déterminée avec l’encadrant. »

La danse, une activité physique et artistique© D. Echelard

La danse, une activité physique et artistique

Observer les tendances

L’une des missions du bureau des sports, créé en janvier 2018, consiste à identifier et accompagner les sports émergents en handisport. « On effectue un observatoire des tendances, explique Christian Février. L’objectif est de mettre en place, avec l’aide de ces clubs, agissant localement, via nos instances territoriales et nos ressources, une mini-coordination de ces disciplines. Puis, si nécessaire, de les aspirer dans une forme plus organisée. » Comme cela s’est produit par le passé avec la sarbacane, plus récemment en handball sourds et peut-être, à l’avenir, avec le showdown. « La base est force de proposition. Ces clubs qui ont ouvert des sections sont de vrais partenaires du mouvement handisport. Nous sommes en lien avec leurs dirigeants et leurs pratiquants pour évoquer la mise en place d’une activité structurée et organisée avec une offre de pratique à minima, et généralement locale. Certaines offres demeureront propres à des territoires, voire à des clubs. » Il existe aujourd’hui des centres d’accueil et des clubs proposant de la danse. Une activité en plein boom qui n’est pas régie, actuellement, par la FFH. « On lance néanmoins des actions pour travailler avec la fédération homologue pour partager nos efforts et favoriser son développement », dévoile Christian Février.

Collaborer avec les fédérations homologues

La FFH joue en effet un rôle majeur par son expertise sur le handicap. Elle peut encadrer et accompagner les sportifs et les éducateurs, elle possède le réseau pour amener le matériel nécessaire à une pratique complètement sécurisée et adaptée. Cette identification des clubs et des forces en présence permet aussi de répondre aux logiques de proximité de chacun. « Si un jeune veut pratiquer du tir sportif, dont la délégation est aujourd’hui revenue à la fédération homologue, on peut imaginer l’idée de l’envoyer vers le club FFT le plus proche de chez lui et collaborer avec ce club pour lui permettre de bien accueillir cet amateur de tir en toute sécurité, prend en exemple Christian Février. Nous apporterons un accompagnement technique et matériel. » L’ouverture aux sports non-éligibles à la compétition en FFH peut également être un moyen de déceler de nouveaux talents pour les disciplines pratiquées en compétition. « Pourquoi ne pas imaginer une entrée dans la pratique par le tandem VTT et inciter les meilleurs, s’ils le veulent, à tester le tandem sur route, une épreuve paralympique, se projette Emmanuel Buchoud. En gardant à l’esprit de toujours prioriser les envies du pratiquant. // J. Soyer

Le handball sourds, une discipline en plein développement qui a vu sa commission sportive créée récemment.© F. Leguen

Le handball sourds, une discipline en plein développement qui a vu sa commission sportive créée récemment.

Repères - Des chiffres qui parlent

Les licences « loisir » représentent 73 % du total des licences FFH. Soit 17 500 sur 35 000 adhérents au total. « Cela démontre l’importance de cette population et le succès de cette approche », souligne Patricia Vignau, élue en charge du sport-santé pour l’instance nationale. Les sports émergents, eux, regroupent plus de la moitié des licences loisir. La danse (+ 6 %), le canoé-kayak (+17 %), la plongée sous-marine (+18 %), la gymnastique (+29 %), le trampoline (+50 %) et le foot à 7 (+40 %) ont connu de fortes hausses. Mais l’autre enseignement est que des sports pratiqués en compétition, comme le tir à l’arc (+10 %) et l’haltérophilie (+28 %), ont également vu leur part de « licences loisir » bondir. Cette approche constitue donc une réelle source de développement. Autre piste d’expansion : la pratique chez les femmes. Elles ne représentent que 20 % des licences « loisir ».

Avis d'expert - Aller plus loin dans l'ouverture

AVIS D’EXPERT - ALLER PLUS LOIN DANS L’OUVERTURE©D.R.
Les sports nature sont moteurs dans la pratique loisir en handisport. Emmanuel Buchoud, référent de ces disciplines à la FFH, espère encore aller plus loin. « Aujourd’hui, nous passons à côté de certains clubs multisports parce qu’ils proposent, parmi leurs activités, des sports non référencés en handisport, comme le parapente ou le VTT. Nous étudions des solutions, notamment en termes d’assurance, pour affilier ces clubs et leurs pratiquants. Peut-être en mettant des options en place. »
Emmanuel Buchoud vante aussi les mérites de l’orientation. « Une discipline qui peut être pratiquée dans une grande diversité de milieux et qui développe l’autonomie des personnes en situation de handicap. » Cette pratique vient stimuler nos rêves de chasse aux trésors. Elle est facilement ludique, et comme l’orientation est un jeu (sportif) de précision et de lecture, elle répond au plaisir du plus grand nombre. Il existe par exemple une discipline d’orientation de précision, qui met sur le même niveau tous les publics. La vitesse n’est alors pas évaluée et les parcours sont accessibles.

Entretien avec Christian FÉVRIER

ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN FÉVRIER© D. Echelard
« S’unir pour répondre à tous les besoins ». Le Directeur Technique National de la FFH, Christian Février, revient sur l’importance de collaborer avec les fédérations homologues pour favoriser l’émergence de certains sports pratiqués localement. La délégation doit faciliter ce rapprochement.

En quoi est-il important pour la FFH de continuer à proposer la pratique de disciplines dont elle n’a plus la délégation ?

La délégation attribuée par l’état confère à la fédération concernée le monopole sur l’organisation des compétitions officielles, sur la délivrance des titres et sur la définition des règles techniques et de sécurité. Une fédération multisports comme la nôtre peut donc tout à fait organiser toutes les disciplines déléguées sous toutes ses formes à l’exception de la compétition officielle (championnat de France), le haut niveau et des équipes de France. L’intérêt est de rendre la pratique accessible au plus grand nombre.

Quel est le cheminement le plus fréquent pour ces clubs proposant des sports « émergents » ?

Les clubs qui proposent des sports émergents se sont tournés vers la FFH en raison de ses compétences sur les handicaps moteurs et sensoriels. Ils manquaient d’informations pour les accompagner sur la mise en place d’activités et de programmes adaptés aux attentes des personnes en situation de handicap. Il s’agit surtout des sports qui ne sont réglementés ni par la FFH, ni par les fédérations homologues. Il y a souvent des échanges entre les clubs, les ligues, nos comités. Bien souvent ces clubs ouvrent alors des sections.

Concrètement, comment se manifeste l’intervention de la FFH ou de ses antennes locales ?

Nous nous sommes réorganisés en interne avec une stratégie et une démarche nouvelle avec la perspective de nous positionner progressivement comme un centre de ressources pour accompagner les fédérations homologues et leur faire part de notre expertise sur le handicap. Nos instances locales apportent leurs connaissances pour aménager la pratique, par les outils de formation et le matériel dont elles disposent. Les clubs proposant des activités émergentes voient ainsi l’intérêt de s’affilier à la FFH.

Pourquoi la FFH essaie-t-elle, parfois, de structurer ces pratiques ?

Pendant longtemps, les fédérations ont plutôt privilégié l’organisation de l’activité pour ensuite la proposer à ses licenciés. Cette démarche ne tenait pas toujours compte des besoins des personnes. Il est intéressant aussi d’inverser le processus. On veut proposer un univers et un type de pratique adaptés aux aspirations de chacun. On n’est pas en capacité de répondre à tous les besoins. Chaque initiative, si les normes sécuritaires sont respectées, est intéressante à suivre. L’idée est aussi de mailler le territoire à l’initiative des clubs, parfois isolés. En partant de ce travail des clubs, et avec leur aide, on peut essayer de l’organiser, en lien avec la fédération homologue. FFH et fédérations homologues peuvent s’unir pour élargir la palette d’offres. Prenons l’exemple de la danse : on peut imaginer que nous attirerons le public venu à cette discipline pour pratiquer en loisir et orienter vers la fédération homologue les personnes en situation de handicap qui recherchent des compétitions puisqu’il existe un circuit IPC de danse.

Le foot en salle pour les mal-marchants, une activité très prisée par les jeunes.© G. Picout

Le foot en salle pour les mal-marchants, une activité très prisée par les jeunes.